Face à l’augmentation constante du prix des carburants traditionnels, de plus en plus d’automobilistes s’intéressent à l’éthanol comme alternative économique. Ce biocarburant, également connu sous le nom d’E85 ou superéthanol, est issu de matières organiques et appartient à la famille des énergies renouvelables. Son histoire remonte même au début du 20e siècle : entre le 24 mai et le 1er juin 1902, Paris accueillait déjà des événements promouvant l’alcool comme carburant automobile. Mais aujourd’hui, la question reste entière pour de nombreux propriétaires de véhicules essence : est-il possible d’utiliser ce carburant alternatif dans leur moteur ? La réponse n’est pas aussi simple qu’un oui ou un non catégorique. Plusieurs facteurs entrent en jeu, de la conception d’origine du véhicule aux solutions d’adaptation disponibles sur le marché.

Oui, vous pouvez mettre de l’éthanol dans une voiture essence, mais avec certaines conditions
Techniquement, il est possible d’introduire de l’éthanol dans le réservoir d’une voiture essence. Cependant, cette compatibilité n’est pas universelle et nécessite certaines précautions. Pour comprendre pourquoi, il faut distinguer deux catégories principales de véhicules.
D’un côté, nous avons les véhicules FlexFuel, spécifiquement conçus par les constructeurs pour fonctionner avec de l’éthanol. Ces modèles disposent de composants adaptés dès leur sortie d’usine : joints, durites et systèmes d’injection résistants aux propriétés corrosives de l’éthanol, ainsi qu’une gestion électronique capable d’ajuster automatiquement les paramètres du moteur selon le carburant utilisé.
De l’autre côté se trouvent les véhicules essence standard, qui représentent la majorité du parc automobile. Pour ces derniers, l’utilisation d’éthanol sans adaptation préalable peut entraîner plusieurs problèmes : allumage du voyant moteur, pertes de puissance, difficultés au démarrage (particulièrement par temps froid) et, à terme, une usure prématurée de certains composants du système d’alimentation.
Type de véhicule | Compatibilité E85 | Légalité | Risques | Coût |
---|---|---|---|---|
FlexFuel d’origine | Totale | Parfaitement légal | Aucun | Inclus dans le prix du véhicule |
Avec boîtier homologué | Bonne | Légal si boîtier homologué | Minimes si installation professionnelle | 650-1300€ pose comprise |
Sans adaptation | Limitée/Risquée | Légal mais déconseillé | Problèmes moteur, usure prématurée | 0€ (mais coûts potentiels en réparations) |
Il est important de noter que l’essence standard contient déjà légalement jusqu’à 5% de biocarburant. Cette proportion minimale ne pose aucun problème pour les moteurs essence conventionnels. Cependant, passer à l’E85, qui contient entre 65% et 85% d’éthanol, représente un changement significatif nécessitant des adaptations techniques pour la plupart des véhicules.
Les solutions légales pour rouler à l’éthanol avec un véhicule essence
Pour convertir légalement un véhicule essence à l’utilisation de l’éthanol en France, deux options principales s’offrent aux automobilistes.
L’installation d’un boîtier de conversion homologué
La solution la plus répandue consiste à installer un boîtier éthanol homologué. Ce dispositif s’intercale entre les injecteurs et le calculateur d’origine du véhicule pour adapter le temps d’injection en fonction du carburant utilisé. Le coût de cette conversion varie entre 650 et 1300 euros pose comprise, selon le modèle du véhicule et le type de boîtier choisi.
L’homologation de ces boîtiers est essentielle car elle garantit leur conformité aux normes environnementales et de sécurité. Sans cette homologation, l’installation peut être considérée comme une modification non autorisée du véhicule, pouvant entraîner l’annulation de l’assurance en cas d’accident.
Il est crucial de distinguer ces boîtiers homologués de la reprogrammation moteur, qui consiste à modifier directement le calculateur d’origine. Cette dernière pratique n’est pas légale en France pour l’adaptation à l’éthanol, contrairement à l’installation d’un boîtier homologué.
L’achat d’un véhicule FlexFuel d’origine
La seconde option consiste à acquérir un véhicule FlexFuel directement conçu par le constructeur pour fonctionner avec de l’éthanol. Bien que le choix soit plus limité que pour les véhicules essence classiques, plusieurs modèles sont disponibles sur le marché neuf et d’occasion :
- Opel FlexFuel Insignia
- SAAB Biopower 9.3 et 9.5
- Jeep Grand Cherokee
- Volkswagen Golf Multifuel
- Ford Focus et Mondeo FlexiFuel
- Renault Mégane et Captur E-Tech
Ces véhicules présentent l’avantage de conserver leur garantie constructeur intacte tout en offrant une flexibilité totale entre essence et éthanol. Ils disposent généralement d’un système de préchauffage du carburant pour faciliter les démarrages par temps froid, un des points faibles traditionnels de l’éthanol.
Peut-on mélanger éthanol et essence dans le réservoir?
Une question fréquente concerne la possibilité de mélanger l’E85 avec de l’essence classique dans le même réservoir. La réponse est oui, ce mélange est techniquement possible et même recommandé dans certaines situations.
Pour les véhicules FlexFuel d’origine, cette flexibilité est précisément leur raison d’être. Ils sont conçus pour fonctionner avec n’importe quelle proportion d’essence et d’éthanol, de 0% à 85%. Le système d’injection s’adapte automatiquement grâce à des capteurs qui analysent la composition du mélange.
Pour les véhicules équipés d’un boîtier de conversion, le mélange est également possible et parfois conseillé, notamment lors des périodes de grand froid. En effet, l’éthanol pur peut poser des problèmes de démarrage lorsque les températures descendent sous 0°C. Dans ces conditions, augmenter la proportion d’essence dans le mélange améliore la fiabilité du démarrage.
Situation | Véhicule FlexFuel | Véhicule avec boîtier | Véhicule sans adaptation |
---|---|---|---|
Températures normales (>10°C) | 100% E85 possible | 100% E85 possible | Max 10-15% E85 recommandé |
Températures froides (0 à 10°C) | 100% E85 possible | 70-80% E85 recommandé | Éviter l’E85 |
Grand froid (<0°C) | 50-70% E85 recommandé | 30-50% E85 recommandé | Éviter l’E85 |
Il est important de noter que l’utilisation d’E85 ou de mélanges essence-éthanol n’a aucun impact lors du contrôle technique. Les tests d’émissions sont réalisés avec le carburant présent dans le réservoir au moment du contrôle, sans distinction particulière. Toutefois, pour les véhicules non adaptés, un mélange trop riche en éthanol pourrait provoquer l’allumage du voyant moteur et donc un refus au contrôle technique.
La consommation et les performances du véhicule varieront en fonction de la proportion d’éthanol dans le mélange. Plus la proportion d’éthanol est élevée, plus la consommation augmente (en raison du pouvoir calorifique inférieur de l’éthanol par rapport à l’essence), mais plus le coût au kilomètre diminue, compte tenu du prix avantageux de l’E85.
Avantages et inconvénients de l’utilisation d’éthanol dans une voiture essence
Les avantages économiques et environnementaux
Le principal attrait de l’éthanol réside dans son prix à la pompe, nettement inférieur à celui des carburants traditionnels. Cette différence de prix permet de compenser la surconsommation inhérente à l’utilisation de ce biocarburant.
Sur le plan environnemental, l’E85 présente également des avantages. Issu de matières végétales renouvelables (principalement betterave et céréales en France), il contribue à réduire les émissions de CO2 sur l’ensemble de son cycle de vie comparativement aux carburants fossiles. Cette caractéristique explique pourquoi dès 1902, le ministère français de l’Agriculture organisait un « Circuit automobile du Nord » destiné à promouvoir l’utilisation de l’alcool comme carburant dans les moteurs à explosion.
L’histoire nous rappelle que cette préoccupation n’est pas nouvelle : entre 1899 et 1908, quatre courses spécifiques dites Critérium de l’alcool furent organisées en France. L’ingénieur Hubert Le Blon se distingua lors de la troisième édition avec son moteur à billes obturatrices, s’imposant avec les voitures Bardon en 1901.
Les inconvénients et limitations pratiques
Malgré ses avantages, l’éthanol présente certains inconvénients qu’il convient de considérer :
- Une surconsommation de 15 à 25% par rapport à l’essence, due à son pouvoir calorifique inférieur
- Des difficultés potentielles de démarrage par temps froid, particulièrement pour les véhicules convertis
- Un réseau de distribution moins dense que celui des carburants traditionnels, bien qu’en expansion
- Un investissement initial pour la conversion (boîtier homologué) qui nécessite un certain kilométrage pour être rentabilisé
Le retour sur investissement d’un boîtier de conversion dépend principalement du kilométrage annuel et de l’écart de prix entre l’E85 et l’essence. Pour un conducteur parcourant plus de 15 000 km par an, l’amortissement peut généralement s’effectuer en moins d’un an, rendant l’opération économiquement intéressante.
Il est également important de noter que l’utilisation historique de l’éthanol comme carburant a connu des périodes d’essor significatives. Par exemple, dès le 1er juin 1906, 1 500 autocars Schneider de type H fonctionnaient à l’alcool carburé. De cette date à novembre 1907, ils consommèrent 22 000 hectolitres d’alcool carburé (ou benzol), pour parcourir 5 670 600 kilomètres.
Conclusion
L’éthanol représente une alternative viable à l’essence traditionnelle, sous réserve d’adapter correctement son véhicule ou d’opter pour un modèle FlexFuel d’origine. Les économies réalisées à la pompe peuvent être substantielles, particulièrement pour les conducteurs effectuant un kilométrage important. Cependant, cette conversion nécessite une réflexion préalable, prenant en compte le type de véhicule, son âge, son kilométrage annuel et les habitudes de conduite. Pour ceux qui franchissent le pas, il est essentiel de privilégier les solutions homologuées, garantissant à la fois la légalité de la conversion et la préservation de la fiabilité du véhicule sur le long terme.